Le Petit Robert nous donne la définition suivante du protocole : « Recueil des formules en usage pour les actes publiés. Recueil des règles à observer en matière d’étiquette, de préséances, dans les cérémonies et les relations officielles. » Appliqué à l’art médical, le protocole repose sur quatre piliers essentiels : le cérémonial, l’étiquette, la bienséance et le modèle de conventions.
1. Le cérémonial comporte une connotation de sérieux, de respect, sans invoquer la robe et le bec du corbeau des imagiers du Moyen Age désormais remplacés par les blouses blanches.
2. L’étiquette évoque un ensemble de règles, voire de rites, qui cadrent le sujet, évitent de réfléchir, mais aussi les dérives, et comportent un contrôle, une censure.
3. La bienséance : d’où la référence aux bonnes moeurs, au bon usage, incluant la politesse, le respect réciproque entre les personnes incriminées.
4. Le modèle de conventions entend inclure la transmission des acquisitions théoriques et pratiques des Anciens, de leurs expériences.
Dans la réalité, le médecin rencontre de multiples difficultés ou des excès à éviter :
L’excès de familiarité dans les relations médecin- malade ou, inversement, l’excès de froideur qui lui seront reprochés.
La convention inclut l’aspect figé, aseptisé des relations, ce qui ne laisse guère le temps nécessaire à la confidence, à l’écoute attentive et chaleureuse indispensable à instaurer un climat propice aux confidences.
A la limite, le dialogue s’effectue au travers de grilles, d’obstacles, comme une course de haies, parmi lesquels les examens dits complémentaires, certes utiles pour acquérir un diagnostic exact, deviennent peut-être des épreuves pour les personnes pusillanimes (encore que certains examens très invasifs soient vécus comme des agressions non indispensables).
Les plaintes actuelles soulignent le caractère compassé, bureaucratique, donc limité. Il entraîne une lassitude, voire l’hostilité et la fermeture psychologique du patient, donc l’absence de communication.
Inversement, certains inondent les praticiens de dossiers énormes, d’impressions surabondantes, usant largement de la bonne volonté d’un médecin trop naïf. Il s’agit de personnages dévorants, hypocondriaques, venus en conquête, par exemple, de certificats de complaisance ou d’arrêts de travail. Bref, la relation n’est plus harmonieuse et coopérative, mais invasive. Heureusement, ce genre est assez rarement rencontré.
Peut-il en être autrement ?
Le médecin, avant de pouvoir gagner sa vie, doit effectuer de longues études, louer un local, prendre des assurances, régler des cotisations, etc. …, ce qui implique un temps limité à consacrer aux consultations, aux examens, conséquence d’un nombre important d’actes à effectuer dans un temps compressé par les conditions sociales d’exercice. Cela, la plupart des patients n’en ont évidemment pas conscience, car le système, déjà protocolaire, résulte des conditions légales d’exercice imposées par la Sécurité sociale et l’administration de tutelle.
Un nombre important de jeunes praticiens en font les frais et ne parviennent guère à gagner que le SMIC, voire moins. Le protocole induit un cadre précis qui ne permet pas d’instaurer un climat de confiance propice, donc un entretien suffisant. Il est nécessaire à un psychologue averti d’entendre, pour le premier entretien au moins durant une heure, le visiteur venu conter ses troubles. L’examen clinique, de plus en plus réduit, nécessite un minimum de temps ainsi que la reconstitution du parcours de la personne, c’est-à-dire, ses antécédents personnels, familiaux, ethniques, spirituels, autant de thèmes surabondants qu’il n’est plus possible de développer.
La bienséance, dans ce cas, consiste à se résumer au plus court, ce qui occulte, en général, les éléments essentiels de la genèse des enchaînements somatiques, voire la clé des problèmes soulevés.
Enfin, tout praticien se doit de raisonner de façon protocolaire. En l’an 2008, son éducation passe obligatoirement par ce conditionnement. L’homéopathie, l’acupuncture font de même, certes, les grilles de décodage varient dans ces médecines dites alternatives ou complémentaires, mais elles existent, car le raisonnement analogique préside à leur établissement. Les protocoles sont donc nécessaires tant pour le diagnostic que pour la thérapeutique, mais ils limitent considérablement la relation médecin –malade. Il est devenu malséant de s’en plaindre.
« Combien de diagnostics à l’emporte- pièce enferment, réduisent et condamnent tout espoir ! »
Bernard HERZOG
Lire :
Les dérives de la médecine, plaidoyer pour une médecine à face humain, par Bernard Herzog, chez Trédaniel.