LE PASSSEUR

LE PASSSEUR

Professeur Bernard Herzog - Médecine et Thérapies du Futur Connaissances et recherches pour améliorer Votre Santé et Votre Vie


Préface Jean-Charles Pichon

Publié par lepasseur-therapeute-herzog.over-blog.org sur 15 Octobre 2010, 21:37pm

Catégories : #Livres et Préface

jc.jpgDepuis quelque six ans que le professeur Herzog et moi nous nous connaissons, il semble que nous n’ayons cessé de travailler ensemble, lui auprès de ses malades et moi parmi mes livres. Nos dialogues, longs et rares, demeurent inoubliables, fructueux – aux dires de plusieurs - les séminaires et les congrès où nous nous sommes confrontés. Il dit me devoir autant (de connaissances) que je sais lui devoir (de réalités).

Ses livres me sont donc chers. Ils me sont précieux aussi. J’y redécouvre, parfois plus claire et plus précise, mainte trouvaille qui m’échappa, comme échappe un cri ou un rire. J’en savoure les découvertes avant d’y trouver une relance.

De quoi s’agit-il pourtant en ce premier livre du moins ? De presque rien, d’un fil : l’analyse circonstanciée, approfondie pendant des mois et des années, d’un cas clinique entre plusieurs centaines. De moins encore : d’un fil qu’on voudrait dire commun, de coton plutôt que de soie, puisqu’une Psychanalyse triomphale a produit en trente ans des milliers de témoignages non moins précis que celui-là.

Pour exceptionnel qu’il soit, le cas de la patiente n’est pas unique (sa valeur même réside en sa vulgarité) ; peut-être est-il seulement exceptionnellement conté, dans l’adhésion d’une nature apte à ressentir. Mais, pour cette raison ou d’autres, l’importance du phénomène qu’expose la malade est peu de chose en regard de l’autre phénomène que révèle l’analyste.

On sait que, doctoralement, le phénomène étudié (les rêves du patient) se déroulent en sens inverse : dans le sens d’aujourd’hui à demain et d’aujourd’hui à hier, ou de l’état actuel du malade à ses rêves – ou souvenirs «- les plus anciens. C’est-à-dire que le praticien est, envers le malade, à son envers, comme l’archéologue ou la paléontologue à l’envers de l’évolution de l’objet réel de leur étude (la ville ou la vie se faisant).

C’est aussi pourquoi, généralement, le traitement succède à la maladie : il ne peut que rétablir un état antérieur, car on n’inverse que l’achevé. Le médecin intervient toujours trip tard ; d’où son rêve : la prévention, la guérison d’un mal pas encore déclaré.

Herzog intervient à temps tout au contraire ou, plutôt, dans les temps. Il n’inverse pas, il épouse. Le traitement ne succède pas au cas, mais il le précède plutôt qu’il ne le suit. Il le précède toujours, dans le double sens du mot.. Il ouvre la porte que la malade, ensuite, franchit, le suivant. Mais il suit, à l’inverse, la progression du mal, comme février janvier, bien que, calendériquement, février soit devant, et le mois de janvier derrière (passé quand février est présent).

Mieux qu’un autre, l’auteur sait la différence, l’abîme qui sépare « rétablir » de « transformer ». Et il ne croit pas que la maladie soit inutile.

On se demandera quel rapport existe entre la médecine et le temps ? C’est, au premier chef, le rapport qui partage toute connaissance selon les deux flèches temporelles : causale, de la cause vers l’effet, du premier vers le second, de l’avant vers l’après, ou inverse, du devenir vers le devenu, de l’Avenir vers le Passé, de la fin d’un cycle par exemple à son nécessaire retour.

Mais ce rapport se double d’une autre dialectique, entre la médecine d’une part, presque toutes les autres sciences de l’autre.

En effet, aux deux sens du Temps correspondent les deux méthodes de recherche qu’on nommera le rationalisme pour le sens causal, le réalisme pour le sens inverse, cens ou recensement plutôt que sens, qui situe de fait les événements dans l’orbe du cycle qui les détermine.

L’étude, même survolante, des sciences contemporaines situe vers 1900 le renversement majeur qui les a fait retomber d’une méthode à l’autre. A la physique des Forces ou de l’Electromagnétique succède alors l’éveil de la physique quantique, à l’arithmétique, à l’algèbre, à la géométrie classiques, les mathématiques et topologies des Ensembles, aux sciences naturelles du XIXè siècle la biologie, puis la macrobiologie, puis la neurobiologie de WATSON et de LABORIT, à la psychologie naïve de nos grands-pères, la psychanalyse de FREUD, encore causale, puis celle de JUNG et de ses disciples, non-causale et fondée sur la synchronicité des archétypes, etc.

Ce renversement n’atteint que difficilement l’Histoire, la moins scientifique des sciences, où la résistance est grande, malgré l’apport croissant des nouveaux stoïciens : JUNG lui-même, DUMEZIL, Henri CORBIN, ELIADE. Par négation des cycles n’a-t-on pas vu l’historicité officielle en venir à nier les datations et les chronologies ? Mais le terrain cède peu à peu. Il n’est plus guère d’historien digne de ce nom qui défende encore le dogme de COMPTE ou l’enseignement de MEILHAC et HALEVY : ceux d’un progressisme historique, depuis « l’infâme » Moyen Age jusqu’aux merveilles du millénaire finissant. Car on ne croit plus ni aux horreurs des Moyen Age (grec ou chrétien) ni à une réussite incontestable de la Raison.

Comme un homme est enfant, pui adolescent, puis adulte avant de finir vieillard, on sait – ou ressent – que les Cultures – dans le sens causal – ne mènent jamais – toutes – que d’un éveil à une mort. « Les civilisations, dit VALERY, savent maintenant qu’elles sont mortelles ». C’était faire écho, à l’époque – le début de ce siècle – à l’intuition de BERGSON : « l’homme est une machine à faire les dieux ». Car, ce dieu-là fait, il va de soi que la culture qui l’a créé l’estompe, avant de périr.

D’une certaine manière, ces confections de dieux ne sont que des rêves, comme l’exprimait déjà un Théophile GAUTIER : « Toute action, tourte pensée, toute parole, toute forme tombe dans l’océan universel des choses (pour y) produire des cercles qui vont s’élargissant jusqu’aux confins de l’éternité » (Arria MARCELLA).

Mais cet enfant-adolesdcent-adulte-vieillard, l’humain ou la culture, est lui-même soumis à un cycle, qu’achève sa mort. Ce rêveur est lui-même rêvé, comme savait le dire aussi ce contemporain de GAUTIER, le philosophe SCHOPENHAUER : « Ce que raconte l’Histoire n’est en fait que le long rêve, le songe lourd et confus de l’humanité » (

Le monde comme volonté et représentation).

 

Car les générations dans l’histoire d’une tribu, ou les éclats tribaux (de cette tribu ou de cette autre= dans l’histoire d’un peuple se suivent comme les rêves de la patiente du Docteur HERZOG, avec la même rigueur, la même nécessité.

Le rationaliste nie qu’il ne soit qu’un rêveur, et les effondrements de ses systèmes successifs le laissent dépossédé. Achèvement du songe thermodynamique, l’entropie qu’il a dû admettre l’annule, comme n’annulent le relativisme d’EINSTEIN, achèvement du rêve newtonien, ou le principe de HEISENBERG, achèvement de la première physique subatomatique. De ces abîmes il se relève de plus en plus difficilement. Mais aussi de ces autres abîmes que furent la première guerre universelle, la seconde, les goulags soviétiques, les génocides boers, arméniens, juifs, biafrais, cambodgiens ou kurdes.

Seul le médecin rationaliste survit au cancer, au sida, à la constatation que les maux de l’adulte ne sont pas ceux de l’enfant, de l’adolescent, ou que le potentiel en calcium dans l’organisme n’est pas le même à 11 heures du matin et à 11 heures du soir. Car il est des cycles de toutes dimensions : circadien, mensuel, annuel, etc.…

HERZOG s’attaque à ce passéisme de la médecine occidentale. Il y emploie l’acquis de toutes les médecines autres : orientales, parallèles, jungienne et la sienne propre. Je ne dirai rien ici du courage que ce combat exige : ce fut celui de SCHOPENHAUER et de GAUTIER, des philosophes et des poètes, d’abord, puis des savants eux-mêmes : le fondateur de la mathématique des Ensembles, GALOIS, refusé à Polytechnique, mort au sortir de l’adolescence, KAMMERER, WEGENER, REICH, cent autres, assassinés ou suicidés, maudits.

Mais aussi et d’abord, il y emploie ses rêves, dont cent carnets relèvent, jour après jour, l’ordonnancement et la rigueur. Car il est ce rêveur d’abord, qui ne s’ignore pas rêvé, contraint à ce songe plutôt qu’à tel autre en ce moment de sa vie qui, elle-même, n’est qu’au moment d’un autre cycle.

Il sait, lui, que les maux de 11 heures du matin ne sont pas ceux de 11 heures du soir ; que ceux de l’enfant ne sont pas ceux de l’adulte ; que ceux de notre XXè siècle finissant (le cancer, le sida) ne furent pas ceux du XIVè siècle (la lèpre), du XIXè (la consomption, la tuberculose). D’abord, il a situé le malade, en ce siècle dans l’orbe des deux mille ans, en son enfance ou son adultarité dans l’orbe de sa vie, à cette heure ou cette autre dans le cycle circadien.

 

Le remède

Si toute maladie est non-causale, archétypale, synchronique à un moment du cycle donné, il suit que le remède l’est aussi : la magnésie sera bénéfique ici, maléfique là, ou la suralimentation, le diète. Le remède du XIIIè siècle était l’exclusion, le remède du XVIIè la purge, le remède du XIXè le vaccin. Ce put être l’odeur, l’essence, au XVè siècle.

Croire que l’un est, ou vouloir que l’un soit, supérieur à tout autre, en absolu, dans l’éternel, c’est l’illusion théologique ou l’imposture scientiste comme de l’Inquisition il y a cinq siècles. Cette illusion, cette imposture ne peuvent qu’accroître le nombre des exceptions, des incidents, des drames, des fléaux, à mesure qu’on y persévère.

HERZOG n’ignore rien de tout cela.

Je n’ai pas à lui enseigner la nocivité de la pensée causale : chaque jour il l’expérimente. Ce qu’il donne au malade, c’est avant tout ce regain de se reconnaître créateur (de l’archétype accepté ou refusé). Seul, le présent le soude au délire qu’il sonde ; cette soudure est du même ordre que l’hypoténuse du théorème de PYTHAGORE ou l’espace-temps de l’équation première, toute pythagoricienne, d’EINSTEIN. La diagonale, le pont qu’elle jette du tréfonds de l’être à son utopie majeure, HERZOG l’a traversée avant que d’en permettre à autrui le passage.

Docteur ? Guérisseur ? Non : pontife, comme les papes et les mandarins ne le sont plus. Créateur et décorateur, ingénieur de la chaussée maîtresse.

Et, bien sûr, ni lui ni moi nous n’ignorons le danger. Nous admettons que, provisoirement peut-être, pour transcender le rêve – et le mal – du patient en archétype, le guérisseur a dû rêver souvent lui-même et assimiler ses propres rêves à la lumière de ses connaissances. Avant que de relier le serpent à la lune, de distinguer en cette Mère un animus ou dans ce Père une anima, ou d’associer l’Archer aux dieux de Feu, il lui a fallu apprendre cela dont il discourt. Le passé dont il va décharger son patient, il a dû s’en charger lui-même.

Cette banque de mémoire où il puise est plus qu’une charge : une « délivre » sacrificielle où s’accumulent ses nostalgies et ses démons. Le pontife est d’abord, nécessairement, apôtre, de la Libération sinon de la Charité, de l’Esprit Libre plutôt que du Fils.

Et, sans doute, si cet inventaire de sa mémoire est illusoire ou incomplet (il suffirait de l’imaginer, en un seul point, prématuré ou prétentieux), ordinateur mal programmé, il ne fabriquera qu’un pont fragile ou meurtrier. Mais, dans l’Esprit, personne ne court ce risque. Si bien que le libérateur ne peut se limiter à n’être qu’une banque de mémoire, mais, soumis à l’Esprit, il lui faut Le pressentir, Le servir, L’imiter. Apôtre et pontife, il faut qu’il soit prêtre. Comme tous les guérisseurs que, de gré ou de force, il a rejoints.

Une autre science s’annonce ici, non moins étrange et scandaleuse que les retournements de la science d’hier, du refus de la dérive des continents à son enseignement forcené, d’une conception de la vie qui exigeait l’oxygène à la découverte de vies qui s’en passent, des lois de GALILEE ou de NEWTON à des lois bien différentes. Non moins prodigieuse, insolite, que le dépassement de la musique d’hier jusqu’aux harmonies de David HYKES, dont l’instrument est l’humain.

Car la pérennité de la science qu’on nous découvre, et de la musique, de la peinture prochaines, plutôt qu’à leurs effets devrait tenir à leurs méthodes, qui s’avoueront des jeux : une confection d’inventaire, une scolastique mathématique, l’imposition d’un travesti.

Sur le pont de libération, en la diagonale recouvrée, la création (le rêve, le hasard contingenté) primera le savoir qui, à son tour, précédera la délivrance, puisque, dans le sens archétypal, PORMETHEE est venu en premier, HERMES en second et, pour finir, le DIONYSOS Liber. De même, je commence par inventer le mythe, en l’existence duquel je crois plus tard et qui en viendra peut-être à me changer. Bien que, dans le sens inverse du temps, l’intuition, le rêve de PROMETHEE soit déjà le don de l’Inverseur.

Ainsi l’Art nouveau – dans le sens rigoureux du mot, créateur – n’aura plus pour mission de seulement guérir (rétablir une santé précaire, prolonger un peu la vie), mais de susciter d’autres pouvoirs, une compréhension plus étendue de l’univers, une fraternité à ce point exigeante qu’il lui faudra faire de celui qui reçoit un donateur, de celui qui entend un chanteur, de celui qu’on libère de l’angoisse un libérateur à son tour.

C’est ce que je souhaite, dès aujourd’hui, au lecteur de Bernard HERZOG.

Jean-Charles PICHON

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