Le désert de la solitude ... ou le soleil de la vie ?
Tel est le choix de Sandra doit résoudre : une enseignante célibataire trop introvertie parvenue au milieu de l'existence.
Les angoisses ne se sont jamais complètement dissipées depuis son adolescence. Elle est sujette depuis plus de vingt ans, dans sa vie professionnelle, à l'angoisse de se sentir décalée par rapport aux autres :
« Il y a une sorte de fêlure en moi avec deux personnes qui se superposent et ne se supportent plus, avec ce sentiment de culpabilité d'être un professeur en retard dans la vie et puis comme dans mes rêves un troisième aspect de moi-même : une femme toute mouillée, elle s’est pris une averse, confrontée à la vie, aux éléments et remuée par ses émotions.»
Le conflit intérieur est bien décrit, il a pour moteur la culpabilité qui conditionne l’infantilisme et le non accès à la vie d’adulte.
Rêve du 13 octobre :
« Ma soeur est enceinte, mes parents sont surpris et ne sont pas contents. Je leur dis que c'est un événement heureux, je pense aussi que je serai la seule de la famille à n'avoir pas d'enfant. »
« Nouvelle dualité entre la femme enceinte, la promesse de vie et d'évolution et la femme stérile. Qui suis-je dans tout cela ? Au sens biologique je suis effectivement la seconde, définitivement, mais au plan spirituel je suis peut-être la première ? Que signifient ces parents qui se mettent au travers de ma route ? Je dois sortir de leur sillage si je veux évoluer. »
La rêveuse a déjà effectué un travail important aussi est-elle enceinte d'un renouveau d'elle-même. Elle a déjà traversé des marais, bien des incertitudes et cheminé, dans la vie. Son arbre intérieur est en train de pousser une nouvelle branche afin de rééquilibrer l'ensemble de sa personnalité. La première étape est d’oser s’opposer et quitter affectivement la relation avec ses parents dans le respect et d’échange, le refus de la vie sexuelle est présent chez elle.
Rêve du 14 octobre
« Je suis près d'un enclos où se trouvent des volailles. Un coq s'échappe dans le champ voisin, une poule également. Pourtant ils ne s'éloignent pas, le coq revient même, se tient dressé sur les fils de la clôture alors que c'est du fil de fer barbelé ! Je vois ses pattes solidement accrochées au fil de fer. Il ne se blesse donc pas ! Puis il rentre dans l'enclos tout comme la poule qui en était sortie.
Enfin, je vois tous les oiseaux s'éloigner. L'enclos est très grand, je ne vois pas l'autre extrémité mais je pense qu'ils ont accès à un champ beaucoup plus grand où ils peuvent avoir beaucoup d'espace. »
« La volaille représente les oiseaux domestiqués. Les oiseaux peuvent symboliser la liberté, la légèreté donc l'esprit ; la volaille a aliéné cette liberté et vit dans un monde clos. J'ai enfermé en moi certaines aspirations maintenant à terre des oiseaux qui ne demanderaient qu'à s'échapper. Pourtant l'espace s'agrandit mais il faudrait abattre ces clôtures de fer, tous ces interdits, ces limitations, cette vie réduite au fer, au faire et au mental.
Le coq dans ce rêve représente une certaine force solaire, j'admirais ces pattes qu'il maintenait solidement accrochées à un support pourtant dangereux. Il représente aussi un état de vigilance car il domine les clôtures. Enfin, c'est son caractère solaire car il chante avec le jour, il a une crête et des pattes très rouges.
Qu'annonce-t-il dans le rêve ? Que peut-être la volaille n'est pas si endormie que cela, à moi de lui redonner de l'espace ! »
A la suite de ce rêve, un sentiment de force intérieur, lié au coq, s'est développé. Il n'y a pas de masculin sans féminin. Si la liberté dans notre société est aussi contingentée que celle évoquée par le poulailler, on peut néanmoins y vivre et s'y épanouir, le tout est de le vouloir et d'œuvrer dans ce sens avec ténacité.
Rêve du 16 octobre
« Je me prépare à partir en randonnée, il pleut mais ça ne fait rien, je peux néanmoins partir. Je fais le tri de mes affaires, de mes vêtements pour alléger le sac. Je remets à d'autres personnes les choses qui leur appartiennent. J'ai ainsi dans la main des bijoux, plusieurs colliers qui appartiennent à ma nièce et à ses enfants, je les pose sur le tapis, par terre. Ma nièce est en colère, elle pense que je dois en prendre davantage soin. »
« J'ai une relation affective extrêmement étroite avec ma nièce. S'alléger pour se remettre en route sur le chemin de la vie, mettre de côté tout ce qui m'encombre, me gêne, m'alourdit. Limiter mon sac à ce qui est en moi, me défaire de tout ce qui appartient aux autres, des affaires mais aussi surtout des idées, savoir distinguer les vraies valeurs des fausses, ne pas sacrifier, abîmer les vrais bijoux. Quels sont-ils dans ma vie ? Des valeurs qui appartiennent aux enfants, que je dois transmettre. En les négligeant, je vais les abîmer, leur faire perdre de l'éclat, il s'agit de mes richesses intérieures. »
Le rêve suivant fait état de conflit comme il y en a tellement entre collègues, il lui signifie que le temps de la colère est dépassé et qu'il est temps de se préoccuper d'elle-même.
« Qu'est-ce que je propose à mes forces jeunes ? Des résumés périmés, c'est à dire des données complètement dépassées et inutiles. Est-ce que je peux vivre avec les valeurs d'hier ? Je dois avoir le courage de renoncer à fonctionner avec de l'ancien et vivre dans le présent. »
Rêve du 20 octobre
«Une femme assise derrière moi me dit être intéressée par l'Inde et me demande si je le suis également. Je m'apprête à lui répondre oui mais je suis trop préoccupée et je ne réponds pas tout de suite. »
« La route vers l'Inde, c'est le chemin vers l'unité, il est question de moi à moi-même : vas-tu te mettre en route ? La réponse intérieure est "oui" nais je suis encore trop préoccupée, pas assez disponible à moi-même pour répondre franchement "oui" et me mettre immédiatement en route.»
Rêve du 23 octobre
« Je suis avec groupe de gens, on a déposé nos sacs de voyage par terre. Il y a deux grandes bassines d'eau à côté. Je rince des vêtements dedans. Quand nous reprenons nos sacs pour repartir, ils sont tout mouillés. Même mon sac à main, resté ouvert, est plein d'eau. Je le renverse pour faire partir cette eau. »
« Le sac c'est tout ce que je transporte avec moi, toute ma vie. Tout est mouillé, envahi par les émotions. Tout ce que je vis actuellement est concerné, ne peut échapper à cette remise en cause actuelle, c'est une sorte de lavage en grand. »
Deuxième rêve du 23 octobre
« Je suis assise avec un groupe de personnes autour d'une grande table, on discute. Il y a là un homme seul, un peu plus âgé. A l'autre bout de la table, une femme seule, elle aussi. On se dit à plusieurs qu'on devrait leur permettre de se rencontrer, on les présente l'un à l'autre, le courant passe entre-eux, ils s'enlacent tendrement.»
« Est-ce mon désir de vie en couple en réponse à des périodes de solitude ? C'est ma propre expérience, pourtant il faut des médiateurs pour que le couple se réalise. Le couple est vécu ici positivement. »
Rêve du 24 octobre
« C'est un jour de mariage, il y a des invités, des amis à héberger. Quand tout le monde s'installe, on découvre que ce n'est pas propre, c'est encombré, on ne sait pas où sont les sanitaires. A la tombée de la nuit quelqu'un vient me dire qu'il n'y a pas d'électricité, il faut donc se coucher, il n'y a rien d'autre à faire.
Je suis ennuyée d'avoir amené tous mes amis en ces lieux. »
« Qu'ai-je à offrir dans ma propre maison intérieure ? Il y a un désir de fête, de mariage mais la maison est encore encombrée, il y a encore trop de choses qui restent à éliminer. Il y manque aussi la lumière. Mais la nuit peut encore être bénéfique avec le travail de l'inconscient pendant le sommeil. »
L'ambivalence des désirs et des situations émaille la vie onirique et les cogitations de Sandra.
Rêve du 25 octobre
« Je suis en montagne avec d'autres personnes, je rentre à la maison, je veux manger mais il n'y a rien »
Rêve n°2 du 25 octobre
« Une femme étrangère, de passage, me demande un café. Je le lui prépare. Quand ma mère rentre, elle se fâche contre moi. Elle me reproche de lui avoir fait ce café. J'aurai dû, selon elle, faire un "Nescafé", c'était bien suffisant. Elle est très dure etc...»
« Il n'y a rien à manger, j'ai conscience du manque, Je n'ai pas prévu que je me retrouverai face à ce vide intérieur. »
Sandra se perd dans son idéalisme, elle a trop d'idées "hautes" aussi s'oblige-t-elle à escalader la montagne alors que la vie est plus aisée dans la plaine. C’est en faisant des projets surhumains, le culte de faire pour être un saint ou un juste que l’on castre les enfants d’une réalité de l’amour pour un ersatz artificiel.
« En réponse à ce vide, j'ai besoin d'excitants, de quelque chose qui me stimule, tout comme l'alcool qui aide à vivre, procure de l'énergie, du moins en apparence. Ma mère me désavoue, dans le rêve le "Nescafé" n'est qu'un ersatz, j'aurai dû m'en contenter. Il y a le conflit entre celle qui veut vivre pleinement, qui recherche la plénitude des sensations fortes et celle qui cherche à niveler tous les plaisirs de la vie jusqu'à la vie elle-même qui devient terne.»
Le café ou le feu du Ka lui est interdit par ses parents. Ils ont placé la culpabilité comme principe général prioritaire d’existence. Un ersatz qui ne procure que l’apparence sans la saveur ni les arômes de la réalité. C'est comme un leurre… dans une civilisation d’apparences (le grand méchant look…)
Rêve n° 3
« Une femme me propose d'essayer un bustier, je l'essaie, il est très collant et très décolleté, je n'oserai jamais le porter. Il est pourtant beau, de couleur orange. La femme m'encourage. »
« Besoin de chaleur, de soleil, de plaisir avec un bustier couleur soleil. Il met en évidence la poitrine, le lien avec le coeur, l'affectif. Ambivalence des sentiments et des désirs, j'aimerais être cette femme-là mais aussi j'en ai peur.»
L'orange est la couleur du désir, c'est aussi celle des bonzes, Sandra est sans cesse confrontée avec ce désir qui renaît en elle. Elle a joué jusqu'à présent des rôles imposés par les projections parentales.
« Cela ne me correspond plus, je suis mal à l'aise, ce qui m'amène à douter de moi-même, c'est comme si je ne parvenais plus à discriminer ce qui est à moi et ce qui ne l'est pas. »
Nous sommes parvenus à une position fondamentale : le sujet doit oser être lui-même sinon l'inconscient risque de durcir le ton.
Rêve du 26 octobre
« Je découvre deux personnes mortes dans une maison. Cela me fait peur. Moi je ne me sens pas bien non plus, je quitte cette demeure. »
« Angoisse de mort. Qui sont ces personnes mortes en moi ? Sont-elles des images de moi auxquelles je dois renoncer parce qu'elles appartiennent au passé ou expriment-elles une peur par rapport à l'avenir ? Qu'est-ce qui est mort en moi ? Les images morbides pourraient me retenir ; il me faut réagir dans le sens de la vie tout en ne rejetant pas ces images qui se présentent.»
Le rêve souligne la non-réalisation d'elle-même : Sandra n'a vécu ni son adolescence, ni l’apogée de la femme or la voici parvenue à l’âge de la ménopause !
Rêve du 26 octobre (2e rêve)
« Je suis en stage avec des étudiants en médecine, chacun a un patient. Moi, j'ai devant moi une jeune fille, chacun à son tour doit faire un diagnostic ; je m'y refuse et j'explique à ceux qui sont là que je me trouve exceptionnellement dans ce groupe car je n'ai pas fait d'études médicales. Je devance ainsi les critiques possibles car je sentais les gens prêts à m'accuser. Je les sens ironiques à mon égard. Mais ils ne disent rien. »
« La jeune fille présente devant moi est sans doute moi une jeune fille souffrante. Celle qui a besoin d'aide, je ne me sens pas capable d'y répondre selon le discours officiel. Il y a autour de moi beaucoup de gens qui "savent" et je me sens différente d’eux.
Je refuse de rentrer dans les discours officiels. Je crains la peur d'être jugée négativement et je préfère me taire. C'est une attitude que j'ai souvent dans la vie réelle. »
« Il faut bien nourrir la jeune fille malade « des deux seins » masculin et féminin et non croire qu'il y aura à l'extérieur un médecin capable de lui apporter à votre place ce que vous souhaitez. Il n'y a que vous qui pouvez la nourrir, la rassurer, lui redonner vie. »
Rêve du 27 octobre
« Je rencontre un couple, un ancien collègue, et ancienne amie d'enfance. Ils se disputent. Elle est sourde et ne parle pas, il s'énerve contre elle, et s'impatiente. Je le trouve très dur. »
« Le masculin parle, il est pressé d'agir, la femme est silencieuse, ne s'exprime pas car elle ne le peut pas. Il y a incompréhension.
Suis-je cette femme qui ne peut s'exprimer, n'entend pas, ne reçoit pas les messages parce qu'elle est sourde, fermée ? Comment réouvrir les récepteurs ? Imaginer le couple autrement que dans une relation d'incompréhension ? »
Rêve du 28 octobre
« Je participe à un jeu collectif, une course, il y a la famille, les amis et j'ai l'impression que mes jambes pèsent très lourd, freinent mon avance, résistent, ne répondent plus à ma volonté. Je ne peux plus courir comme les autres. Qu'est-ce que j'ai ? Je m'arrête, je regarde le chemin qui continue, il part sur la gauche, c'est un chemin sur les rochers, très escarpé, difficile, au bord d'un fossé profond. Il vaudrait mieux prendre à droite, c'est plus facile mais je serai alors à contresens et risquerai d'être bousculée par les autres qui reviennent. Il en arrive toujours. Je suis juste à la croisée des chemins, là où tout le monde passe.
Mes parents sont là aussi, en plein passage, précisément là où c'est très étroit. Ils ont fait leurs courses, ils sont en train de ranger leurs achats dans des placards, je leur dis de se mettre sur le côté car les coureurs arrivent. Je voudrai reprendre la course moi aussi mais je crains que ce ne soit pas possible. Il faut que je m'arrête, je ne serai donc pas allée jusqu'au bout, je me déçois moi-même.»
« J'ai conscience d'éprouver une très grande fatigue dans les jambes, ce qui est exact dans la vie réelle. La course dans la vie active est une sorte de jeu, un défi aussi ! Je n'arrive plus à être dans la course comme tout le monde, je manque d'énergie. Je m’ankylose les jambes donc les déplacements seront de plus en plus difficiles.
Je me pose des questions : faut-il continuer la course ? M'arrêter ? Si je m'arrête, je ne corresponds plus à l'image que j'ai de moi. Si je continue, je risque de me faire mal et de me mettre dans une situation difficile. Quel chemin prendre ? Ralentir ? C’est me mettre à contresens !
Période de choix de vie réelle. Jusqu'à présent, j'ai toujours choisi des voies rapides pour correspondre à l'image de la femme active, énergique que j'avais en moi, je me suis énormément dépensée dans toutes sortes d'activités. Aujourd'hui le corps ne répond plus sinon par une immense fatigue.
Je commence à démissionner de certaines responsabilités que j'ai dans diverses associations mais cela est difficile car je dois refaire une autre image de moi-même,... Mes parents ne sont pas dans le courant parce qu'ils sont âgés, je les vois aussi dans le passage risquant de poser problème. Je veux les protéger encore. On dirait deux mondes en opposition et moi au milieu. Où vais-je choisir d'aller ? »
Ce rêve est très intéressant car il arrive, à un point culminant de ses cogitations. Sandra est parvenue comme DANTE à un carrefour crucial de son existence : un chemin va à gauche vers le passé, la régression, il est très difficile, on s'y blesse sur les rochers. Il se termine dans un fossé profond, bref mieux vaut aller dans l'autre sens !
Il serait en effet, préférable de prendre à droite, aller vers l'avenir d'elle-même, c’est beaucoup plus facile de choisir le soleil de la vie. Mais alors, elle serait à contresens des enseignements "contre-nature" dont elle a été imprégnée depuis son enfance mais aussi par le milieu social, par toutes les associations où elle gaspille ses énergies. Elle se trouve dans ce passage étroit qu'elle devrait traverser.
L'obstacle est encore représenté par ses parents, c'est-à-dire un lien affectif envers eux, non dépassé. Choisira-t-elle sa renaissance, l'ensoleillement ou le soleil de la vie ? Nous ne pouvons que l'encourager à prendre une décision positive pour elle à l'assumer. La solution passe par la réalisation d’un couple unifié, harmonieux.