Le premier entretien est toujours capital parce qu'il permet de se faire une idée générale notamment des motifs précis de la consultation, c'est-à-dire de la démarche intérieure ayant motivé la personne
J'avais en cette matinée d'hiver la visite de Laura, une charmante jeune femme, exerçant le métier de thérapeute. Elle cherchait la signification de quatre petits rêves.
Rêve n°1 :
« Je vois mon hibiscus avec des branches et des feuilles qui se dessèchent par manque de fortifiant. Elles présentent des sortes de gelures. C'est la tige droite qui dépérit. »
Ayant lu un de mes livres, il connaissait ma façon de procéder, elle avait effectué un essai d’interprétation très respectable :
« Hibiscus : plante tropicale qui donne une fleur nouvelle chaque jour en période de floraison. Mon hibiscus, moi fleur nouvelle de chaque jour. La fleur, l'élément féminin qui est masculin et féminin, symbole d'harmonie, de beauté, d'ouverture, de délicatesse.
La branche, le soutien, la direction, la branche d'un arbre généalogique. La droite, tenir sa droite, ses directions, justice, charisme, décision, confiance.
Conclusion: il y a un manque de constituant nutritif pour la croissance et la floraison, le côté droit doit être aidé pour avoir un épanouissement. »
Le pot, c'est-à-dire le réceptacle dans lequel la plante se développe, correspond à la partie inférieure du sujet, tandis que la plante se développe dans l'espace aérien (thorax). Cette bretonne avait par son nom de famille des aspirations particulièrement marquées au développement aérien, or manifestement il était en contradiction avec la croissance de l'hibiscus. Il était aisé de comprendre que sa mère avait surtout été nourricière, ayant la capacité de gestion et l'autorité. Le pilier de la famille était à gauche et son père avait été quelque peu effacé dans l'édification de sa personnalité.
L'interrogatoire devait préciser que si l'entente parentale était bonne, la mère était perpétuellement "grognon", amère, frustrée. Elle avait l'impression de s'être toujours sacrifiée, tout cela s'était inscrit dans l'apparence physique de la jeune femme sous forme d'une certaine atrophie du côté droit.
« A l'âge de six ans j'avais treize millimètres de moins sur la jambe droite puis j'ai accusé beaucoup de douleurs au genou et au dernier examen 17 millimètres de différence entre mes membres inférieurs: ma jambe droite est plus courte que la gauche de 17 millimètres. »
J’avais observé la veille à l'hôpital, une grande athlète qui présentait des gonalgies semblables. J'avais découvert le même problème chez elle, occulté et inconnu des médecins.
Sportive, elle jouait au basket et chaque fois qu'elle retombait au sol après un saut, elle se lésait le genou gauche. Les clichés radiographiques ne montraient rien de particulier excepté cette asymétrie des membres inférieurs de 25mm.
On lit également dans le rêve que le développement de la sexualité et de la relation est faible par manque de fortifiant, la communion apportant une énergie qui lui manque beaucoup ...
Rêve n°2 :
« Je vois ma main droite large, la paume de main vers le plafond, mon poignet avant-bras squelettique, je n'en vois que les os, vision anatomique, je vois et parle de carte et de luxation. Je vois également l'articulation radio-lunaire supérieure avec ses ligaments et je prends conscience de la trop grande faiblesse de mon poignet par rapport à la largeur de ma main. »
On reconnaît le médecin aux connaissances anatomiques précises. Elles vont gêner son interprétation qui demeure trop matérielle et pas assez symbolique. La main permet de toucher, c'est l'outil de travail, de préhension, de contact, donc d'une certaine relation à l'autre, la paume vers le plafond ; est une position de recevoir ; large souligne l'importance de cette attitude.
« Le poignet manque de maintien, c'est l'axe. Pour avoir l'avant-bras de face, il dirige la main et structure le travail de la main. Avant-bras et poignet squelettiques : faiblesse, je peux prendre des choses lourdes mais pas les porter, je manque de solidité. Quant à l'articulation radio-lunaire supérieure, rôle dans la pronosupination, l'avant-bras peut tourner, prendre, damer. »
Je lui proposais une interprétation différente. Elle demeurait dans une relation directe de prise du monde tandis que l'étage affectif et spirituel est resté en friche, à sec, donc desséché.
En résumé, Laura n'avait pas eu dans son enfance l'exemple d'un couple harmonieux dans sa totalité physique, relationnelle, spirituelle, aussi les "ailes du cœur" étaient squelettiques, seul l'étage inférieur du sujet avait été assuré (voir la signification symbolique du corps humain dans la Kabbale).
Rêve n°3 :
« Sandrine me demande des explications, j'essaie de lui en donner, elle n'est pas satisfaite, elle souhaite avoir des explications de Pierre dont elle est sûre.
Nous sommes assis sur les bancs d'une salle de conférence, un amphithéâtre. Elle assurait la présence de Pierre, ça m'étonne du nom car il n'y a pas de Pierre dans la famille mais je ne connais que Pierre le Caret. »
Sandrine évoque la circulation, le sang, l'alimentation du corps. Pierre c'est le minéral, l'édifice, la solidité, la référence qui n'existe pas. La bonne circulation passe par la recherche avec l'exigence d'une personne de référence, solide, édifiée et non un infantile.
Dans le monde symbolique représenté par l'amphithéâtre, l'incarnation de la patiente, comme de tout un chacun, l'homme passe par le carré. Tel est le premier niveau de développement, le premier secret de la genèse, ce carré correspond aux deux chakras inférieurs. (Yawé voisin de Carré)
On peut dire d'une autre façon qu'il correspond au pot de la plante, à l'arche de Noé, c'est-à-dire au bateau (le BA des Égyptiens). Il flotte sur l'eau des émotions. Dans son intérieur nous avons les instincts par paires : mâles et femelles et c'est grâce à cela que nous effectuons notre navigation par le mouvement engendré par ces différences de potentiels.
La rêveuse en est à ce stade de son développement.
Rêve n°4 :
« Une sorte de marché nocturne, il faut ramasser l'étalage de squelettes car cela n'a pas marché. J'empile les thorax, vision des côtes alors qu'à côté les affaires sont bonnes. »
Le thorax, représente la THEBA, la structure où se trouvent l'appareil respiratoire et le cœur, un lieu aérien d’échange. Les squelettes sont des structures, cela annonce un changement car il y avait erreur.
La relation d'échange, le marché est demeuré dans le noir, c'est-à-dire dans l'obscurité : absente du champ de conscience dans son milieu familial. Il en résulte une mortification de l'état relationnel qui reste squelettique, ce qui correspond au premier rêve d'une plante qui se dessèche a donc un manque d'air.
Il n’y a pas eu d'air, d'échange, de changement, d'évolution chez les parents. C’est aussi pour l'instant la situation chez la rêveuse. On ne lui a pas enseigné malgré son appartenance à la religion catholique, comme à ses parents, les véritables développements eschatologiques de l'être.
« Je ressens que j'ai des grandes possibilités mais je n'arrive pas à les intégrer, aussi je me sens frustrée, amère, pas bien dans ma tête. »
« Comme votre mère, cela constitue un héritage qui remonte à plusieurs générations. »
Rêve n°5 :
« Je tombe toujours sur la jambe droite, j’en ai la crête tibiale tout écorchée. J’ai essayé de courir et je tombais sans cesse, c’est le côté droit qui flanche. »
Le côté droit représente la colonne droite ou la structure du masculin. Je lui fis préciser qu'il y avait, en effet, eu un défect dans la structuration de son corps, ce qui me fut confirmé avec les chiffres précités.
J'ajoutais que le père correspond à l'air, le Pi de l’air, (Pierre du rêve précédent). Si la mère allaite, nourrit constitue bien visible, le père correspond à la composante relationnel, de l'échange.
Laura avait donc des problèmes relationnels, elle ne parvenait pas à prendre sa respiration, ce qu'elle confirma aussitôt.
« J'ai fait, en effet, énormément de bronchites infectieuses, de bronchiolites, bref je perds facilement mon souffle, je n'arrive pas à respirer. »
« Vous avez, pourtant, une meilleure relation avec votre père qu'avec votre mère. »
« Oui, mais j'ai des difficultés à faire confiance, donc à me lier, je suis introvertie, je me mets toujours en retrait et j'ai fait beaucoup de syncopes au moindre effort. »
N’ayant pas été initiée par l'exemple des parents aux plaisirs de la vie, qui procurent la joie de l'échange, du partage ce qui permet d'avoir foi dans la vie, la rêveuse était « mal dans sa peau » ce qu'elle précise.
« J'ai eu, en effet, des maladies de peau dès mon enfance. Elles ne se sont jamais réglées, on m'a donné toute une série de noms savants en dermatologie. »
« Vous deviez être intolérante au lait artificiel ? »
« Oui, j'étais irritée à vif, du deuxième au cinquième mois, un eczéma couvrait tout le corps. J'avais beaucoup de mal, à digérer le lait. A huit ans c'était toujours une grande difficulté mais outre ces problèmes de peau, j'ai les jambes lourdes, marbrées, elles sont violettes. J'ai une très mauvaise circulation sanguine. »
Nous avions dans l'expression de ces signes cliniques, l'expression de l'hérédité de la culpabilité et par la même, la clé qui permet de comprendre les différents étages de sa personnalité, une sorte de passe-partout qui se résumait de la façon suivante : la mère était demeurée au niveau d'une petite fille. Elle s'était sacrifiée, donc sa féminité n'était point épanouie pour raison de culpabilité, transmise déjà et renforcée par une éducation chrétienne très forte. Cet héritage négatif s'inscrivait dans la structure même de cette jeune praticienne. Comme elle était en opposition avec la négativité de la mère, elle avait été " mal dans sa peau " dès sa tendre enfance puis avait connu des difficultés respiratoires avant les difficultés relationnelles, voire l'absence même de relation.
L'analyse des rêves constitue souvent la matière indispensable à la synthèse clinique et psychologique, c'est-à-dire combien le premier entretien est fondamental.