N’ayant pas d’idée préconçue sur les méthodes à la mode vers les années 1970-1980 importées à coup de publicités généreuses des Etats-Unis, je me permets de livrer à votre réflexion ce témoignage reçu lors d’un entretien analytique au début de l’année 2002.
Ma méthodologie assez empiriste m’amène d’abord à observer avant de prendre une position.
« Je suis la dernière-née d’une famille nombreuse. J’ai plusieurs frères et sœurs, l’aînée a juste six ans de plus que moi. Mes parents sont séparés, mon père vit depuis vingt ans avec une autre femme. Maman était enceinte de moi lorsqu’ils ont commencé à se connaître. Fait assez important car ma mère ne l’a pas bien vécu. Leur relation était plutôt froide et triste et ma mère révoltée.
Mon accouchement fut difficile, j’étais cyanosée, prématurée de six semaines. Je fus baptisée en urgence, fait très souvent relaté par maman qui avait eu bien peur. Elle a dû se sentir terriblement abandonnée par son mari. Ils étaient très différents l’un de l’autre. Je ne les ai jamais entendu se disputer sauf quand maman, en son absence parlait et parfois même en sa présence. Ses réflexions assez dures généraient des tensions, mais aussi du bon temps pour mes frères et mes sœurs.
Pendant toute une période, ma mère se dopait au Valium et au Tranxène. Je lui en chipais ainsi que du Martini et du Whisky. J’ai ainsi passé ma première année du bac droguée car j’y mettais vraiment la dose ! Il a fallu que je rentre chez mes parents, ne pouvant plus être pensionnaire, car je ne pouvais plus suivre les cours…
Ensuite, je suis partie trois ans en Allemagne. J’ai fini par vivre avec un allemand qui ne parlait pas français. Je l’ai quitté pour vivre quelques temps en Savoie puis à Londres, où j’y ai vécu quatre ans. Je travaillais dans la mode. Durant toute cette époque, je n’étais pas particulièrement épanouie. Je ne savais absolument pas ce que je désirais, étant très souvent fatiguée, tourmentée. De retour à Paris, je ne démarrais rien, j’errais un peu et j’ai même goûté un peu au “déplaisir de la drogue” avec le Haschich, que je n’aimais pas du tout ! A Paris, j’ai trouvé quelques jobs par ci, par là. Rien ne me motivait vraiment. J’aurais voulu trouver un job dans une agence de voyage. J’ai donc suivi une école linguistique et commerciale. Je ne pouvais plus me concentrer. La “réussite”, ce n’était pas pour moi…
J’ai alors entendu parler de la “Bioénergie”, du cri primal. Après avoir effectué des stages, j’ai lu les livres d’Arthur Janov, de Wilhelm Reich, de Alexander Lowen, “le corps bafoué” etc. C’était tout pour moi ! A mon premier groupe, j’ai basculé dans un autre monde. Se positionner seule, par rapport à un groupe, est déjà pour moi très déstabilisant. Avec quelques exercices de respiration, d’hyper ventilation, laisser monter un son de sa bouche, ce n’était pas facile. Les membres inférieurs et supérieurs s’agitent, le son s’amplifie. Ça tourne autour de moi, les mains se tétanisent, ainsi que la bouche, le cri arrive, un cri de peur, venant de très loin, ne pouvant plus le contrôler, était-ce libérateur ?
Il faut ainsi subir les regards étonnés du groupe devant de telles réactions et… d’entendre ce fameux cri primal, le retour à la naissance. Les mains toujours paralysées que je dois réchauffer en touchant le crâne du meneur me donnaient de l’énergie - un grand vide, le corps bascule autour de moi…
Un stage dure cinq jours, nous sommes environ 14 par groupe. Je m’inscris à un stage chaque mois et demi. Entre chaque stage, la destruction se fait de plus en plus ressentir. J’avais déjà, de par ma nature, facilement accès aux excès d’émotions et je n’aurais peut-être pas dû m’engager dans cette voie…
Appréhension avec le monde extérieur, je n’ai plus les mêmes points de repères. Mon corps est transformé, je ne suis plus la même. Je ressens des blocages dans la cage thoracique, des faiblesses dans les jambes qui étaient censées représenter le père. Il fallait laisser monter la colère, l’adresser à qui l’on voulait. Les mains moites, en proie à une grande peur, j’analyse seule mon ressenti avec comme explication mes seules idées…
Colère exprimée au moyen d’une raquette sur un matelas d’ailleurs assez dégueulasse où un jour, j’ai attrapé la gale. Nous arrachions nos rancœurs dans du “sopalin”, car ravaler c’était encore refouler.
Etre en état de stress physique extrême était le but recherché. Aller au-delà de la résistance physique afin de déclencher des décharges émotionnelles.
C’était donc pour moi une thérapie très violente, brutale, et il n’y avait pour ma part aucune explication, ni analyse verbale sauf quelques corrections, des jeux de mots que je faisais toute seule. Ils faisaient “tilt” ! Peut-être était-ce un peu délirant me direz-vous ?
Il n’était pas de bon goût de poser la moindre question. Quant aux explications tout était “top secret” Pour tous ceux qui avaient déjà une formation en “psy”, c’était OK ! Ceux qui se formaient à cette thérapie apprenaient. Ils allaient se positionner socialement.
C’était le tout début de la “Bio”, nous en étions en fait les premiers cobayes. Aujourd’hui, c’est du Rebirth, avec une demi-heure de respiration en douceur et deux heures d’entretien verbal…
Le travail de Reich agit sur les sept anneaux - les parties cuirassées du corps où l’énergie se bloque. Au niveau des yeux, le “travail” n’avait pas été vu, or c’est vrai : mon regard a changé. Je ne pouvais plus regarder l’autre en face ne sachant plus comment regarder !
Je me souviens d’une institutrice. Elle n’a pu résister et s’est suicidée.
Je me souviens d’un stage en compagnie de G. Il travaillait dans un hôpital psychiatrique et voulait en savoir plus sur le cri primal. Je “travaillais” avec lui en atelier. J’étais sur une respiration très, très lente, ne pouvant plus agir autrement. J’étais extrêmement faible, presque dans le vide, le froid, le néant. Il me rassurait cependant. Je devais être en train de revivre un traumatisme mémorisé dans mon corps lors de ma naissance. Plus tard, il devait écrire un livre “N’être ou ne pas être”…
J’ai quand même heureusement eu quelques rares réactions. J’avais trop d’interdits et de culpabilité… je dois dire aujourd’hui qu’il en faut un peu plus pour me sentir nerveuse.
C’était quand même choquant de ne plus pouvoir voyager en train, de longer les murs pour ne pas tomber, de ne plus pouvoir traverser un pont, même le pont Mirabeau, de ne plus pouvoir prendre le métro au cas où le vide m’attirerait !
Dans la rue, plus ma démarche se faisait rapide, moins je pouvais la contrôler. Ma tête devenait lourde, je sentais en moi un certain “désordre” s’amplifier, je finissais par arriver chez moi en zigzaguant avec une volonté de self-control en me disant “pas de panique”…
Je courais pour me calmer, je rentrais sous les porches pour souffler, et cherchais désespérément un banc pour me reposer et ne pas être prise dans le tournis. J’allais me mettre au lit, je pleurais beaucoup et j’appelais ma mère alors tout redevenait dans l’ordre. Je ne pouvais plus rien faire donc vivre normalement et je recherchais mon équilibre.
Cependant, je refaisais de la Bioénergie étant certaine d’un bon résultat au bout du compte, tous m’y encourageaient …
Ma sœur faisait un stage par an et moi un par mois. Je n’avais pas le temps de me construire, mais on ne me disait rien. Je me cherchais dans les livres, Arnaud Desjardins, Alexander Lowen etc. … “Travailler dans son corps devait être la panacée universelle”. Je me sentais à la fois écrasée et toute puissante.
Lors d’un stage, j’apprends au petit déjeuner la mort de mon jeune frère, dans un accident de voiture. C’était la veille du premier de l’an. Je pensais sombrer dans la folie.
Dans la même période, je rencontre un garçon dont la compagnie était réconfortante à certains moments. Il ignorait tout ou presque de mes démarches “thérapeutiques”. Il voyait bien que j’avais une curieuse attitude.
Il m’apprend son désir de me quitter, qu’il n’y avait pas d’avenir entre nous. Quelque temps après, je pars en week-end avec une sœur voir des copains en Corrèze. Elle m’emmène en voiture. Jusque là pas de réels problèmes, ma relation avec elle n’était pas neutre. Elle jouait beaucoup sur ma fragilité, m’expliquait pourquoi je l’étais aussi. Elle m’emmenait dans sa problématique assez complexe je dois dire ! Je me trouvais plus simple qu’elle. Elle attachait beaucoup d’importance ce à quoi je ne donnais pas d’importance. Je ne sais pas si elle m’admirait ou me désestimait et peut-être avait-elle même de l’agressivité pour moi. Je l’aimais beaucoup. Elle fera plus tard un cancer de l’utérus et des intestins. J’étais la petite sœur qui avait beaucoup souffert aussi elle voulait me consoler.
Je vais maintenant décrire ce cauchemar que je ne m’explique pas vraiment. Pour quelles raisons, car même si c’est du passé, il est encore là, dans un coin de moi, quelque part je me le suis projeté plus d’une fois ? Peut-être cela pourrait-il avoir un sens ? Cela fait peut-être partie de mon chemin de régression, une partie de moi-même bien enfouie qui bloquait ou masquait un “trop” ??
LE REVE EVEILLE = LA BOUFFEE DELIRANTE
« Nous roulions en voiture lorsque j’ai eu comme une vision… je voyais un disque jaune doré comme une énorme pièce de monnaie s’approcher de plus en plus de moi, je le “reçois en plein visage” ! Ma bouche se crispe, ma respiration se fait différente et une panique s’empare de moi. Je demande à ma sœur de s’arrêter quelque part sur la route. Nous sommes sur un parking, je m’aperçois que j’ai beaucoup de mal à marcher. Je marche comme une déséquilibrée que j’étais en fait. Dans cette grande surface, les gens m’effraient, leurs voix résonnent bizarrement dans mes oreilles, ma sœur a l’air ennuyée.
Nous reprenons la route ; nous arrivons chez ses copains. Ils vivaient dans une maison à la campagne, dans un village. Dans la voiture, j’écoute la radio, les résultats du football. Je ne voulais pas sortir de la voiture… Puis, je me dirige vers la maison. Je me mets à terre et je gratte convulsivement la terre avec mes mains, je voulais boire de l’eau…
Sur le seuil de la porte, quelqu’un nous attendait. Pour le saluer, je lui serre la main, croise son regard, ses yeux sont très verts puis, je me mets à hurler de peur. Ce regard m’effrayait au plus haut point. Puis, je vais vers les autres personnes assises autour d’une table à manger. Des hommes, des femmes, certaines avaient des ongles vernis rouge quand je leur donnais une poignée de main, leurs ongles se transformaient plus ou moins en griffes.
Leurs visages maquillés devenaient des expressions grimaçantes. Il y avait un chaudron, l’âtre de la cheminée dans lequel cuisait un cochon. J’étais le cochon que l’on cuisait ! J’étais terrifiée ! Je sors dehors dans un pré avoisinant et je marche péniblement et je tire une énorme charrette, lourde, lourde. Je n’en peux plus…
Puis, je m’arrête devant une pierre et j’entends Jeanne d’Arc. J’ai su ensuite que dans ce village quelque chose la concernait.
Nous reprenons la route pour aller, en fait, chez une demi parente. Ils ont un enfant. Nous venons passer un à deux jours là-bas. Je suis toujours aussi “traquée”, nous regardons un film à la télé : “les oiseaux” d’Hitchcock.
Soudain, les oiseaux sortent de l’écran et arrivent sur moi pour me piquer le visage! J’ai très peur. Plus tard, on me propose une chambre, je m’y sens mal. Je ne peux me reposer. L’histoire du petit poucet m’envahit. Les garçons dans une chambre, les filles dans l’autre. Des couronnes sur la tête et l’on se cachait de l’ogre qui allait nous dévorer. Il m’a fallu changer de chambre. Tout cela avait une forte emprise au plus profond de moi.
Dans le magma onirique qui se poursuit on découvre un délire de persécution. Notons quelques bribes.
J’entends dehors des chiens aboyer, ce sont des bergers allemands qui accompagnent les soldats, les nazis. Quelle horreur ! Leurs pas résonnaient…
… Ils jettent les sacs à ordure, je deviens ces ordures, je hurle, je déroule dans cet amas d’ordures dans le vide…
…J’ai soudainement peur, quelqu’un me vise à la carabine ou me cible et je me cache ...
…De retour à Paris, un Paris devenu très moche, haïssable, sombre, je voyais tous les masques des gens, toute leur négativité, ils étaient tous terrifiants et puants. L’odeur aussi était bien présente…
… Je me méfiais de tout le monde. Les époux J. arrivent... Je ne veux pas les suivre car ce sont les gens de la Gestapo qui veulent me torturer …
…Plus tard, je prends un bain … La baignoire devient le cercueil dans lequel je dois mourir.
Il n’y a plus qu’une solution, m’emmener à l’hôpital psychiatrique …
Nous arrivons à l’hôpital. Ce n’était pas réjouissant du tout, il y avait tout autour des fils barbelés…
…Je traduis : “que je devais mourir”, ici va reposer la future morte… Mes sœurs m’abandonnent… Je panique …
… Me voilà partie dans l’espace vers la lune. Je ne pouvais plus redescendre.
Une infirmière arrive et me donne des médicaments. Je fais semblant de les avaler et quand elle part, je les recrache dans les toilettes. J’ai trop peur de me doper, de ne plus rester “lucide” et comme çà “ils n’auraient pas ma peau”. Je refais plusieurs fois le même geste.
Dans cet hôpital de fous, j’entends des cris encore moins rassurants que ceux du stage… En fait, on leur injecte une piqûre pour les assommer. Je ne veux pas que cela m’arrive.
Lorsque je vais prendre mes repas, je les vois, ils sont tout à fait mal et certains disent qu’ici on leur coupe les membres inférieurs et les membres supérieurs avec des couteaux et des ciseaux…
…Je peux dire que dès que j’entendais le mot “folle” dans les parages, j’étais dans un état de souffrance et de vexation extrême. Après, j’ai subi le fait d’avoir été là.
Commentaires et propos de la rêveuse :
« J’avais dans mes relations un monsieur assez âgé. Il m’avait plus ou moins initié à la macrobiotique et parlé d’un certain Jacques Donnars. Je le contacte désireuse de me faire aider. Je marchais à côté de mes pompes. Il m’envoie voir Alain. Après quelques séances de doute, je trouvai son comportement tout à fait contraire à ce que j’avais l’habitude de côtoyer en thérapie. Beaucoup moins marginal (en apparence) et apparemment beaucoup plus bloqué d’une apparence froide et réservée. Il m’a aidé sur un certain plan. C’était moins terrifiant, c’était plus sociable, mais aussi enfermé dans quelque chose. Ce n’était pas déplaisant. Je revivais du positif, même si au début de ma thérapie primale et par la suite (j’ai quand même vécu des moments de douleur) de positif et de libération. Seulement en dehors de ce contexte, je n’étais plus rien et là, c’était grave.
Je revivais beaucoup le passé de mon enfance. J’avais tout donné de ma personnalité. Tout avait été changé en moi, ma façon de m’habiller, ma relation avec les autres. En fait, nous aurions pu former un autre noyau social. “Les bio énergéticiens” et ne vivre qu’entre nous. Seule, je ne pouvais plus, j’étais une carpette, un légume ; j’avais pu être entourée, comprise et on m’aurait expliqué ou même conseillé de ne pas faire de bioénergie. Je n’avais plus que cette solution, être dans l’émotionnel, hélas, c’était pourtant d’une grande richesse. Il a été très bien guidé.
En fait, je suis en train d’accuser la “bio”, en fait, c’est de ma faute. Je ne pense pas que je puisse en vouloir aux thérapeutes. Je n’ai pas su m’intégrer à leur comportement social différent du mien.
J’étais “à la recherche de mon père” (titre d’un livre) et je n’avais pas cette forme d’intelligence. J. nous fascinait. Aujourd’hui, il crée un lieu de recherche pratique et théorique, destiné à explorer les fondements psychologiques et mythiques de l’être. Il s’occupe de la symbolique alchimique, de la connaissance des processus inconscients avec l’approche des arcanes majeurs constituant le tarot de Marseille.
Je n’ai pas encore mentionné ce travail intense de trois semaines consécutives avec Dan Miller, ancien élève d’Arthur Janov, là aussi, je vivais de curieux comportements. J’étais entourée de dix personnes, le cercle se resserrait de plus en plus, je devais aller chercher de l’air au fond de moi, pour pouvoir respirer, pour ne pas étouffer. Je devais me faufiler entre leurs jambes ou leurs bras pour trouver la force dans mon corps.
Ou bien allongée je devais rester allongée sur un matelas, ayant deux autres matelas placés au-dessus de moi, et deux hommes par-dessus. Là aussi, je devais avec la force de mes bras soulever ces matelas si je voulais encore pouvoir respirer
Faut-il renier ce qui m’a peut-être aidé ?
Il me semble que durant toutes ces années, je n’avais plus d’angines, moi qui en avais si souvent, je n’avais plus de bronchites ! Mais j’étais morcelée et j’hésitais dans un langage régressif. Surtout, je ne pouvais dire un seul mot sans qu’il soit inversé, expliqué lui donnant un faux sens mélangeant voyelles et consonnes à mon gré pour en déduire une idéologie que je me suis moi-même construite. “J’en avais perdu mon latin” et mon esprit, mais moi, je savais ce qui se passait pour les autres, une espèce de toute puissance sans fondement, pas facile à vivre !
Prise en charge par Alain Donnars, j’ai assisté à plusieurs de ses séminaires. Même si je n’y comprenais pas grand-chose, je prenais ce que je croyais bon pour moi.
Ensuite, j’ai travaillé quelques temps avec une femme qui se servait de la symbolique du tarot. J’étais hermétique à cela puis, j’ai fait un travail d’analyse des rêves, du rolfing, du yoga, de l’astrologie, du finhorn, et du soufisme. Je survolais tout cela récupérant “les morceaux cassés”.
Un travail concret par les éditions “le souffle d’or”, positif : je pouvais commencer à gagner ma vie pour un temps assez court.
Puis, j’ai eu le désir de suivre les cours d’auxiliaire puéricultrice. Mais voilà qu’au stage de formation à l’hôpital, dans le service des prématurés, la panique s’empare de moi, je ne supporte de voir ces bébés avec toutes ces “tuyauteries”. J’ai abandonné… effrayée par ces visions de tortures.
Le temps passé à Paris, à tourner en rond, désespérée, fut incomparablement long et pénible. J’ai enfin réussi à quitter Paris deux mois chez des amis en Ariège puis, à Strasbourg ; ou j’avais une amie. J’ai repris des cours de langue quelques semaines.
J’ai rencontré celui qui est devenu le père de mes enfants. Il m’a bien aidé à retrouver un quotidien assez normal. Après cinq années à Strasbourg, nous avons quitté l’Alsace, pour venir du côté d’Angers. Nous nous sommes installés provisoirement où j’avais de la famille. J’ai retrouvé l’ancienne maison des parents là où j’étais née. Il restait un terrain où j’ai fait construire une maison, donc dans le jardin de mon enfance. J’ai ainsi pu visualiser l’endroit de la maison où j’étais née, la fenêtre de la pièce où j’aurais donné mon premier cri celui de ma naissance, curieuse coïncidence ! Maintenant, cela ne va plus entre nous car il délire. Mon ami est très colérique, il a des réactions de démence.
L’animation de la ville me manque, Paris en particulier et je suis encore trop dans la solitude, mais je n’y peux rien. Mes enfants m’occupent ; mon ami m’a donné du “fil à retordre”. J’ai découvert chez lui un grand infantilisme, mais pouvait-il en être autrement avec le passé que j’ai eu ? Il boit et a un comportement de paranoïaque.
Tout ce que je viens de raconter, c’est du passé mais du passé qui m’habite encore et m’interpelle car, j’y fais aussi parfois référence. »
Après douze années d’errances diverses, elle vient se confier… toute aussi malmenée par le flot impétueux de la vie et tout aussi fragile psychiquement et dépendante.
Pour avoir entendu d’autres récits semblables concernant ces méthodes importées des USA, notamment le témoignage d’une mort par asphyxie au cours des épisodes de mise en sandwich entre matelas… je reste critique sur les résultats obtenus par ces procédés.
Est-il possible d’aider un sujet à se restructurer en appliquant des méthodes militaires industrialisées assez irrespectueuses d’un être affaibli par un vécu antérieur dans un milieu parental ou social traumatisant ? Peut-être sera-t-il attiré, voire fasciné par ce miroir aux alouettes trop proche de ce qu’il a déjà subi ou pire encore ?
C’est avoir une méconnaissance de la psychanalyse des profondeurs et du respect de la dignité humaine. L’être en manque d’amour a d’abord besoin de respect, d’une écoute attentive chaleureuse, d’empathie, de bonté, d’entraide, non d’une mise en situation de rupture traumatisante et destructrice.
La relation d’aide sans assise spirituelle n’est qu’un leurre, et peut devenir une illusion trompeuse.