L’insertion sociale, c’est la capacité de pouvoir vivre dans le clan, la tribu ou la nation.
L’existence de chacun se déroule selon des traditions éducatives, des conceptions religieuses ou laïques. Selon les traditions de penser et les choix personnels de chacun face aux évènements de la vie, les réactions personnelles peuvent être différentes des conceptions traditionnelles.
La base des conceptions est évolutive, le cas échéant si le sujet le désire. Face à l’environnement social, parental, professionnel ou autre, chacun est plus ou moins disposé à acquérir, à rechercher de gré ou de force la façon d’être libre dans sa manière de penser, de transmettre autour de lui ou à sa descendance.
Face à l’évènement personnel, chacun réagit plus ou moins différemment, pas du tout ou fort peu. Chacun se considérant être dans sa chapelle, sa tour d’ivoire, se sent plus ou moins protégé, rassuré, ou assuré d’un devenir qu’on lui dit certain, alors qu’il est toujours incertain.
Face aux pressions sociales, face à soi-même, un certain nombre sait réagir ou réagit d’une façon formelle ou informelle, peu ou prou, pour trouver leur itinéraire, leur chemin propre, leur voie. Il appartient à chacun de rechercher ce sentier comme un laboureur peut procéder à son labour avec sa charrue, sa herse.
Qu’est-ce la vie? C’est bien la découverte du pré ou du champ dans lequel on va vivre et s’ébattre, dans lequel on a à se confronter aux autres ou contre les autres. Certes ce n’est pas un combat à armes blanches, mais c’est un combat plus noble qui consiste à se retrouver soi-même, à se régénérer, à voir les choses non pas au travers de son passé, ou d’un passé transmis, d’une règle communautaire ou religieuse, mais voir son propre développement, le déroulement de sa vie en se forgeant soi-même. On pourrait citer à cet endroit le labyrinthe dans lequel chacun essaye de retrouver le fil d’Ariane qui lui est spécifique.
L’homme n’est pas et ne doit jamais être prisonnier ou se rendre esclave d’un évènement, d’un passé, d’un mode d’éducation ou d’une transmission de penser. L’être, le sujet doit être intégralement lui-même, libre.
Que signifie la notion de liberté ? La liberté ce n’est pas d’être libre de faire n’importe quoi ni ce que l’on désire à un moment où on le souhaite.
La liberté peut simplement signifier qu’on a le choix entre oui, non ou peut-être. Cette notion n’est que cela. L’homme a la liberté du choix entre ces trois possibilités.
Il n’a pas le choix de sortir d’une société, d’une communauté, d’un groupe familial. Il n’a pas la liberté de penser autrement que selon les préceptes communautaires du groupe, de la caste. Certes, vous me direz qu’on vit en démocratie. En grec la notion du « Dé-mos » signifiait le peuple. On découvre cette notion venant de la masse. Ce qu’on retrouve chez les romains, dans la « res-publica », c'est-à-dire la chose mise en public pour laquelle la masse n’avait qu’à approuver ou désapprouver.
Si on réfléchit sur ces notions, on découvre les limites de l’individu. Par contre, il a cette possibilité de s’ériger, de se lever, de marcher pour devenir lui-même. Il doit être capable de se renouveler, de se découvrir lui-même, d’être une sorte de nomade désireux de s’affronter dans la rigueur extrême de sa propre connaissance, de sa propre sagesse, ce qui signifie : « Je sais cela ».
C’est donc un combat continuel pour une différenciation en effectuant l’effort de se connaître soi-même, de se réaliser. Ce qu’on appelle liberté est une manière d’être dans la caste, dans le groupe social, car on ne peut pas lui échapper. La liberté dans le groupe social, c’est seulement la manière d’être, de se situer. Il n’y en a pas d’autre. Il faudrait penser plus à soi, alors qu’en Occident on nous a appris le contraire afin d’être soumis et de demeurer esclave. Dans le système judéo-chrétien il faut toujours penser plus aux autres qu’à soi-même. Dans la caste on a les obligations culturelles fonctionnelles. Lesquelles ? L’obligation d’apporter par son travail de quoi se nourrir et nourrir les siens. L’obligation fiscale de verser une obole régulièrement aux représentants du groupe. L’obligation de courtoisie vis-à-vis de l’environnement.
Le sujet doit donc faire avec ces contingentements. Il ne peut retrouver sa régénérescence, sa propre évolution qu’en lui-même. Dans son unité, au travers de la fusion charnelle, élective d’un couple réussi il se doit de réaliser. Il doit retrouver le sens de sa chapelle, c'est-à-dire de son autel particulier. Ce n’est pas dans un sens religieux qu’on utilise ce mot « chapelle ». Comprenez que c’est le lieu où l’on se reconnaît, l’endroit de son propre miroir quand on se retrouve en tête à tête avec soi-même, pour rechercher les portes de son propre temple.
Le pouvoir, lui, a pour but de massifier, de diriger la masse et de la faire uniquement penser à la soumission. On retrouve ces notions dans les textes sacrés. Chacun devait effectuer des offrandes, vaches, veaux, moutons, chevaux que l’on égorgeait pour flatter les Dieux. Cela nous parait choquant à notre époque, c’était une preuve de soumission.
Dans les contes et légendes l’offrande signifie que l’on offre à son unité la capacité de pouvoir être soi-même, de demeurer équilibré, tant pour son alimentation, que son travail, car il n’y avait pas d’offrande matérielle. Ce sens a été détourné, et il y a eu beaucoup de dérives par ce que le pouvoir a accaparé cette notion.
À Bali, en Indonésie, les villageois effectuent des offrandes à longueur de temps. Ils ne savent même pas pour qui ni pour quoi. Parce que les transmissions et la formation éducative s’effectuent désormais dans la forme et non plus dans l’esprit. Aussi le sujet demeure un simple répétiteur, il n’évoluera pas. Il ne le peut d’ailleurs, il est pris au piège. Soit il est capable de répéter pour paraître, soit il est capable d’être lui-même au travers de ce paraître.
Malgré toutes ces pérégrinations, malgré les générations passées, l’évolution de la pensée de la masse ne se renouvelle pas, quels que soit le niveau et l’état des savoirs et des connaissances intellectuelles. L’évolution de chacun est strictement personnelle. Même dans les documents dont nous disposons, il n’y a plus aucune trace du sens originaire, initial. On ne trouve plus rien, aucune trace nous orientant vers le devenir de soi, ou à peu près. Les rares traces qui persistent en langue grecque ou hébraïque sont gommées dans les traductions françaises. Dans les légendes il n’y a plus rien non plus. Elles ont été édulcorées afin d’asservir le peuple.
Le trésor de la connaissance n’est pas enfoui dans la terre, la mer, le ciel ou les bibliothèques, il est déposé en chacun de nous, en soi-même.
Cela rejoint la légende du Graal. En fin de compte chacun est à la recherche de lui-même. Le risque est de cheminer à l’extérieur de soi. La réflexion sur ce thème doit nous permettre de mieux éclairer notre propre cheminement, de se poser les questions principales. L’homme a été limite dans sa capacité d’appréhension. Il s’égare souvent car les informations qu’il reçoit sont trop nombreuses, bouleversantes. Nous assistons actuellement à un déluge d’informations qui nous égare un peu plus.
L’essentiel c’est bien le combat perpétuel pour se connaître soi-même et se réaliser. L’essentiel c’est la possibilité de se renouveler, de se développer, de se mettre en marche, d’être capable d’affronter avec une rigueur extrême sa propre connaissance, afin de parvenir à sa propre sagesse.