Comme les fleurs éclosent au soleil du printemps, la vie va faire naître une nouvelle pensée créatrice. Elle ne se développe que pour briller au soleil comme le magnolia stellata en fleurs, et les jonquilles qui m’annoncent le printemps.
Chacun se réchauffe au soleil quand il luit. En cela l’homme est semblable à un arbre.
Après avoir cheminé dans le sol par ses racines, il se verticalise, il effectue une croissance. C’est l’éveil de la découverte du monde aérien. Chez l’homme souvent cela commence par un éveil au sectarisme, à l’insuffisance, après la longue période scolaire puis on essaye de faire son chemin, de nager dans la vie.
En observant et en réfléchissant il y a l’éveil à la connaissance, à l’analyse, à la synthèse.
Au travers de la recherche de reconnaissance, au sein du groupe social auquel on appartient, on a ou non la possibilité de respirer, d’appréhender les choses, d’être accepté avec la chaleur du groupe comme le nouveau-né dans un berceau, mais c’est aussi l’éveil aux frictions, aux combats.
On récupère d’abord autant que possible l’expérience passée des anciens, c’est le but de l’école, de l’apprentissage. On cherche à enrichir cette expérience pour la faire fructifier, pour croître aussi. On s’affirme, on commence à sentir, à observer. Chacun, chacune s’éveille au même niveau, de la même façon. C’est toujours une confrontation d’éveil. Même si les corps s’observent, se reniflent, se recherchent, se passionnent au travers du plaisir et de la joie de la rencontre, la friction est nécessaire. Il faut bien arrondir les angles pour permettre à deux galets de s’ajuster. C’est aussi une manière d’acquérir l’expérience au travers de l’autre, de se connaître. L’autre devient un champ de soi-même au travers d’une unité. Car l’unité est nécessaire pour qu’il y ait un changement. S’il se réalise, le champ de la connaissance va s’amplifier, s’ouvrir aux trois dimensions et l’on va vers les autels de la connaissance.
Voilà un très long parcours où il y a beaucoup d’appelés mais très peu d’élus de choisis. Cette démarche ne peut se réaliser. Elle ne peut se renouveler chaque fois à chaque naissance et ne peut s’effectuer qu’au travers de son miroir après avoir franchi les portes de ses propres autels. Tout cela pour retrouver une connaissance cachée. Porter ses fruits, comme un arbre après ses fleurs, pour s’accroître, enrichir les siens, être profitable au groupe.
Or qu’observe-t-on dans notre société ?
J’avais mal au cœur, arrivé en Bretagne (1956), de voir jusqu’où était poussé l’élagage. Il s’agissait d’un étêtage. On coupait les troncs d’arbres, il ne restait plus qu’une forme verticale. J’ai comme voisins des enseignants religieux, j’ai vu une sœur couper la tête au gingko biloba que j’avais planté vingt cinq ans plus tôt, un arbre protecteur. Quelle rage a-t-on de couper des têtes, de réduire les hommes à peu de chose, à des numéros de matricule ?
Voilà l’obstacle caché : le pouvoir, parce qu’il n’a pas intérêt à laisser cheminer des sujets vers cet éveil de la conscience. Comment peut-il procéder pour intervenir et entraver les développements ? Partout le pouvoir traite les sujets comme des esclaves, des êtres soumis et la massification fait le reste.
Il y a trois manières. La première est l’endoctrinement en propagande, la seconde l’environnement, la troisième la guerre.
L’endoctrinement.
J’étais à l’école primaire quand nous devions chanter en gesticulant comme des automates ridicules, un bâton entre les mains « Maréchal nous voilà ». C’est cela la propagande, celle du nazisme, du fascisme, du marxisme. Tous les « ismes » progressent de cette manière au détriment du sujet, de l’individu.
L’environnement.
Le sujet est soumis à une pression massifiante permanente, d’abord familiale, ethnique. Il faut penser comme tout le monde, sinon on est marginalisé et rejeté.
Ce sont les conflits incessants parce que la guerre entraîne des insuffisances, des carences. Aussi chacun se calme pour survivre. Il y a moins à manger. Il faut faire attention. Lorsqu’il y a un conflit, on se réfugie dans la masse. On se protège au travers de la masse. On défend son corps, les siens. On n’a plus d’autre but que de chercher à manger, à éviter les conflits armés. Voilà le temps de la haine, de la peur entraînant la massification et la soumission progressivement.
Que nous enseignent les religions ? Le bien et le mal. Le noir et le blanc.
En choisissant ainsi le bien et le mal, le pouvoir détermine ce qui lui convient. Il établit des règles et pour que le sujet ne dérobe pas la pomme de la connaissance, Adam et Ève sont chassés du paradis. Voilà un vilain péché que de chercher à comprendre, à oser réfléchir. Cette notion du bien et du mal remonte à Sumer. Il ne faut pas penser par soi-même. On est jugé et catalogué d’un côté ou de l’autre en fonction de ce que le pouvoir a établi.
Qu’est-ce qui est bon ? C’est ce qui est favorable au pouvoir.
Qu’est-ce qui est mauvais ? Ce qui contraire au pouvoir, ce qui le contrarie, c’est là où toutes les religions opèrent pour amener une soumission obligatoire. Ou bien on est soumis, ou bien on est supprimé. Si l’on est soumis, on récupère les compliments, on parle de vous, on vous arrose de présents. Dans le cas inverse, on est écrasé, rendu esclave, le pire est d’être anéanti. Mais on se soumet on est ipso facto anéanti, mis dans le néant.
Etre anéanti c’est être placé dans un milieu où on n’est plus soi-même, où on n’est plus reconnaissable, c’est donc le néant. Historiquement c’est être du côté de « ça tend ». En araméen, en sumérien cela veut dire le champ de la découverte, ce qui rejoint un peu l’idée du jardin dans le livre de la genèse, le jardin féerique. Tandis que « ça tend » est mis dans le champ du néant, cela tend vers le néant.
Le nom de Satan a été inventé de toutes pièces. Disons que c’est le monde de l’ombre, quel qu’il soit. C’est un monde où la vie ne peut exister que dans une massification totale, dans laquelle on ne retire aucune connaissance. Appelons le monde de l’ombre celui qui cherche à égarer le sujet dans une fausse connaissance, un faux savoir, afin que seule l’animalité subsiste.
Le monde de la lumière c’est l’inverse. C’est l’ouverture de l’individu, non pas en tant que sujet individuel, unique mais l’Homme qui représente le masculin et le féminin réunis dans un cercle d’amour. C’est cette opposition qui existe, ce n’est pas Lucifer après être tombé qui est devenu Satan. Le monde de la lumière ne peut exister que si le monde de l’ombre préexiste, comme la matière et l’antimatière. S’il n’y avait pas cela il n’y aurait pas d’univers, de cosmos. C’est un jeu d’équilibre.
Dans tout cela que doit-on faire ? On doit faire avec ! Ces dialectiques binaires expriment surtout essayer d’être soi-même ! Si le sujet n’a pas un minimum d’initiation, il ne peut pas grand-chose. S’il fait l’unité (homme – femme – enfant), il progresse en connaissance. Mais il faut effectuer beaucoup d’efforts parce qu’il ne rencontrera pas d’aide. Au contraire, il ne rencontre que des chemins de soumission et s’il s’en écarte, il n’est plus reconnaissable, alors il est satanisé par les rumeurs. On le marginalise, on cherche à l’anéantir. J’ai connu cela dans ma carrière hospitalo-universitaire. On se rend compte alors que la pyramide sociale est souvent gouvernée par les gangsters. Avec un minimum d’initiation, les hommes en recherche iraient beaucoup plus vite car les questions se posent, les gens se regroupent pour échanger, poser davantage de questions. En fin de compte tout le monde est en recherche.
La recherche commence par la communion, le chemin de l’unité fusionnelle, c’est-à-dire, l’union masculin féminin. L’instinct apporte l’orientation du chemin du plaisir qui créé la joie de vivre et la foi dans la vie. Cette démarche permet de s’ouvrir, de partager, de se donner l’autre, de découvrir après le partage. C’est pourquoi toutes les religions ont codifié d’une façon négative la communion, parce que les sujets dans leur désir d’union effectuent leur quête du Graal. Chacun ressent confusément mais profondément qu’il doit trouver quelque chose, le sens même de la vie. Certes il y a une similitude entre les femmes comme entre les hommes mais la sélectivité est essentielle.
Pour être assouvi il faut revenir à l’état animal, satisfaire les corps, chez l’un comme chez l’autre, sinon on se calcifie, on se sclérose. La tête est vide et étroite, elle se rigidifie au lieu de se fusionner, de s’épanouir et de s’enrichir. Je ne parle pas des dérives, des déformations qu’occasionnent des errements. Les religions qui autorisent la polygamie ont comme but d’abrutir les hommes, d’en faire des guerriers et ensuite de la chair à canon. Le but profond est d’éviter qu’ils ne progressent, qu’ils soient totalement manipulables, intégralement soumis. C’est le but masqué de toutes les religions.
L’homme n’a rien à attendre de son clan, excepté la protection, le moyen de vivre, de manger. Rien ne remplace l’effort personnel, et l’arbre ne cesse de croître et de porter des fleurs et des fruits car l’humanité ne progresse que grâce à ces individus qui ont fait l’effort, un long effort vers la lumière de la connaissance.
« C’est l’être le plus personnel et le plus solitaire qui est capable d’accomplir l’acte de communion le plus désintéressé et le plus pur » Lavelle